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Mégaphonie

                                                De Louis Calaferte

         LA GALERIE PHOTOS DU SPECTACLE

 

     La liberté de penser et le contrôle de l’homme par l’homme sont depuis longtemps une préoccupation centrale dans mon travail.

   Je côtoie souvent des étrangers qui ont fui les dictatures (Togolais, Chiliens, Argentins, …), je suis moi-même allée au Togo : le manque de liberté et la peur des habitants m’ont beaucoup impressionnée.

     Milena Gilabert qui interprète Méga 2 a vécu sous la dictature de Pinochet et a participé à la recherche des criminels de cette période.

     Mais ce que j’aime beaucoup dans Mégaphonie, c’est que d’autres milieux aux dérives totalitaires sont mentionnés : la publicité, la démocratie, les milieu boursier et scientifique.

 

Scénographie :

     Au centre de la scène, une structure métallique représente la Hôtecompétence.

 

 

     Plusieurs cordes et élastiques l’entourent comme une araignée dans sa toile.

     En effet, le contrôle et la froideur qui se dégagent des situations dramatiques me font penser à la mouche prise dans une toile d’araignée : celle-ci se débat, s’épuise et accepte finalement la mort pendant que l’araignée, sûre d’elle et toute puissante, l’observe et la mange.

     «Hôtecompétence » la Superstructure qui régit tout cela, tisse sa toile dans les consciences et dans les vies des hommes, elle ne s’épuise pas, tue d’abord par épuisement.

     La structure est à la fois araignée géante, sas de bureau (deux échelles se croisent au centre comme des escaliers),  estrade, ...

     « Hôtecompétence » est animée par un troisième personnage, tout de noir vêtu, qui avec un projecteur mouvant projette son ombre. Ainsi la Structure grandit, se rétracte, écoute, …

     Le projecteur sert également d’œil ou de caméra de surveillance et ce troisième personnage, - qui anime la lumière comme une ombre – apparaît tel un agent de la superstructure qu’est « Hôtecompétence ».

     Devant, détaché de « Hôtecompétence », une petite structure sert de banc, de barre de tribunal, de tranchée, ….

 

Texte :

      Méga 1 et Méga 2, personnages interchangeables, sont les jouets d'une société totalitaire. Ils la subissent, la portent aussi, mais une pensée non conforme - apparue sans qu'ils s'en apperçoivent - les en bannit, les condamne, les sauve peut-être... nous sauve si nous savons les regarder... Si nous savons perçevoir ce troisième protagoniste étrange et presque inactif qui contrôle la situation. Les dérives totalitaires n'existent pas que dans les dictatures...

      Ces personnages à la limite de perdre leur humanité, gardent cependant le pouvoir de ressentir, de se souvenir et d'espérer....

     Je m’attache à suivre scrupuleusement la rythmique du texte qui est signifiante, ainsi que de faire entendre sa subtilité (mots légèrement modifiés, inventés à partir d’autres, …)

     La gestuelle découle du texte et non l’inverse.

 

Jeu :

 

       Méga 1 et Méga 2 sont des personnages sans personnalité, ils changent de rôle selon le tableau, la situation et la position qu’ils occupent. De leur psychologie, ils n’ont pas conscience, puisqu’ils sont aliénés. Dans ce type de société, une psychologie individuelle est d’ailleurs rejetée. Ce sont donc les corps qui vont être marqués, les corps qui vont vivre malgré le manque de pensée.

       Le corps est chez l’être humain – et chez tous les autres animaux - le premier réceptacle. On ne dissimule pas avec son corps, celui-ci ne sait pas mentir.

        Voilà pourquoi les mots dans cette pièce sont d’abord des sons et des rythmes, c'est-à-dire de la respiration et des résonances : du corps.

     Les deux personnages vont s’exprimer avec leur corps qui reflète et révèle la situation qu’ils sont en train de vivre.

     J’ai donc fait le choix de travailler sur les « états de corps » plutôt que sur les « états d’esprit », puisque les personnages sont vides, vidés « l’individu vuidé de naissance à sa mort ».

     Ils sont comme des insectes : leur squelette est externe – résistance de la carapace – et ils sont mous, sans caractère à l’intérieur.

     Les mouvements des personnages vont donc osciller entre une gestuelle inspirée des insectes (dans les articulations, la respiration, les types de regard et les rythmes) quand ils sont dans les normes, une gestuelle plus humaine lorsque qu’ils s’échappent de leur condition (par le souvenir, l’affection), et une liquéfaction lorsqu’ils sont attaqués personnellement, lorsque leurs carapaces se brisent.

                                                           

     Je crée donc une partition de corps qui découle de la partition sonore de Calaferte, sans toutefois la masquer ou la répéter. Le corps des personnages s’exprime de façon subtile, il ne prend plus de place que lorsque le texte lui en donne la possibilité.

      La gestuelle des personnages s’inspire de celle de la blatte et de la mante religieuse (qui sont de la même famille), selon les tableaux.

      Evidemment nous (les danseuses - comédiennes) ne cherchons pas à imiter des blattes, nous nous attachons seulement à certaines spécificités : la carapace (mais pas le dos rond), la dissociation des articulations par rapport au dos, l'axe de la tête, le corps mou à l’intérieur, l’absence de poumon.

 

 

     Les Mégas sont aussi pour moi des clowns tragiques :

 « J’y vais ce soir demain sans faute en matinée »

ou « quoi de nouveau de dernière nouvelle ».

     Ils tombent souvent, se prennent dans les cordes. Ils passent d’un état à un autre avec la rapidité et  l’enthousiasme des clowns ou des enfants.

     Le clown est en effet la figure de celui qui subit, de celui qui est décalé sans le vouloir ni même sans s’en rendre compte… Les Mégas deviennent rebelles à leur insu.

 

Documentaire :

 

     Pia Lutier, dans le cadre de son Master 2 – pratique documentaire à l’université Paris 8, fait un documentaire sur la démarche artistique de Lucile Hannesse au cours de la mise en scène de Mégaphonie : C'est nu pied qu'il faut marcher.

     Elle met ce travail en rapport avec le passé de Milena (ce qu’elle a vécu au Chili et sa recherche de criminel de guerre).

 

Mise en scène : Lucile Hannesse

Scénographie : Josiel Lemaître et Lucile Hannesse

Interprètes : Milena Gilabert, Lucile Hannesse et Josiel Lemaître (manipulateur)